Cheval Blanc Beverly Hills - Pourquoi le projet ne verra jamais le jour ?
LVMH a perdu son projet de construction de son hôtel sur la célèbre Rodeo Drive, après le rejet par les électeurs de Beverly Hills de la proposition de construire le Cheval Blanc. L’avenir du développement au 468 Rodeo Drive a été laissé entre les mains des électeurs, après qu’un syndicat, « Unite Here Local 11 », ait recueilli suffisamment de signatures pour déclencher un vote à l’échelle de la ville. Le projet était censé générer au moins 725 millions de dollars de revenus pour Los Angeles sur 30 ans. LVMH a maintenant abandonné ses plans et ne fera pas appel de la décision.
Un casse tête immobilier
Bien avant l’annonce officielle du Cheval Blanc Beverly Hills, le groupe LVMH a successivement mis la main sur plusieurs biens immobiliers permettant la réalisation d’un tel projet, et ce, dans l’une des rues les plus chères au monde et où le marché de l’immobilier y est féroce : Rodeo Drive. Ainsi, en mars 2018, le groupe de luxe acquiert un premier bien de 6 200 mètres carrés, au 456 North Rodeo Drive, pour 110 millions de dollars, puis en septembre de la même année, c’est l’immeuble à l’angle de Santa Monica Blvd et de Rodéo Drive, d’une superficie de 22 250 mètres carrés, qui est acheté pour une somme de 245 millions de dollars. Deux mois plus tard, le conglomérat s’empare du Paley Center for Media Museum, d’une valeur de 80 millions de dollars ; apportant près de 26 500 mètres carrés supplémentaires au projet. À ce stade, les trois biens immobiliers rassemblés permettent d’atteindre une surface exploitable de plus de 50 000 mètres carrés, bordant Rodéo Drive, Santa Monica Boulevard et Beverly Drive. Un quatrième et dernier espace de plus de 6 000 mètres carrés sera ajouté après l’annonce du projet, pour un total de 30 millions de dollars. En résumé, LVMH a mis plus de 2 ans pour s’emparer d’un espace suffisamment grand permettant le développement d’un projet hôtelier d'envergure ; un investissement immobilier qui s’élève au total à près d’un demi-milliard de dollars.
Bâtiment à l’angle de Rodéo Drive et de Santa Monica Blvd, acquis par LVMH en 2018.
Le projet enfin dévoilé au grand public
Avec la nomination, en avril 2019, de Christian Boyens, au poste de Directeur des Opérations pour la section urbaine des hôtels de Cheval Blanc, le groupe ne cache plus ses ambitions de développement dans d’autres grandes villes, à l’image du projet de son flagship urbain, le Cheval Blanc Paris. Les récentes acquisitions immobilières à Beverly Hills ne laissaient plus trop de doutes quant aux intentions du groupe de luxe français.
C’est en mars 2020, qu’est officiellement annoncé le projet de développement du Cheval Blanc Beverly Hills, premier hôtel Cheval Blanc sur le continent américain. Il devriendrait ainsi le 6ème hôtel de la collection, après Paris, Saint Tropez, Saint Barthélémy, Randheli et Courchevel.
Image 3D du projet de développement de l’hôtel Cheval Blanc Beverly Hills.
Le projet prévoit 115 clés, une piscine rooftop, des restaurants exclusifs, des boutiques mettant en avant les maisons du conglomérat... Peter Marino, l’architecte star du groupe a été chargé de designer l’hôtel dans un style sud-californien moderne. L’ouverture prévue pour 2025 était vue comme une opportunité économique pour la ville et le quartier, apportant emploi et revenu fiscal.
LVMH à l’épreuve des réglementations et des autorités locales
Après un an et demi d’allers-retours avec la Commission d’Aménagement de Beverly Hills, concernant le Rapport d’Impact Environnemental (EIR), cette dernière se prononce en faveur du projet en juin 2022.
L'approbation finale du projet de l'Hôtel Cheval Blanc a finalement été obtenue en septembre 2022, avec le vote à une majorité de 4 contre 1 par le Conseil Municipal de Beverly Hills. Les membres du conseil ont salué une opportunité exceptionnelle pour la ville, soulignant la nécessité pour LVMH de commencer la construction dans un an et de la terminer dans les cinq années suivantes. Le maire de Beverly Hills, Julian Gold, a exprimé sa confiance dans les avantages économiques significatifs que l'Hôtel Cheval Blanc apportera à la région, le voyant comme une nouvelle icône de luxe pour Beverly Hills.
“This is a once-in-a-generation project,” - Lester Friedman, membre du Conseil Municipal.
Illustration de la maire de Beverly Hills, Lili Bosse et du dirigeant de LVMH, Bernard Arnault, derrière un rendu 3D du projet d’hôtel.
Coup de théâtre démocratique
Comme le rappelait John Mirish, membre du Conseil Municipal de Beverly Hills, bien qu'aucun résident ne se soit opposé au projet, cela ne veut pas dire qu'ils le supportent tous. Selon lui, ils n'ont pas eu le temps nécessaire pour étudier l'accord de développement.
Mirish a vu juste. Seulement quelques semaines après le vote du conseil, deux pétitions soutenues par un syndicat d'employés de service sont déposées auprès du Conseil Municipal de Beverly Hills. Ils dénoncent le manque de logements abordables dans le quartier pour les employés et l'absence de solutions apportées par le groupe hôtelier. Ainsi, après l'annonce de l'organisation d'un vote public sur le projet de développement de l'hôtel Cheval Blanc Beverly Hills pour mai 2023, organisé et financé par la ville de Los Angeles, une véritable campagne électorale se met en place, avec des débats animés entre les soutiens au projet et ses opposants. L'affaire devient de plus en plus médiatisée. Au moment des résultats, c'est la douche froide pour le groupe de luxe. Les votes contre l'emportent de justesse, à 51%, mettant à mal le projet d'une des plus grandes fortunes du monde.
Un nouveau comptage des votes en juin 2023 ne modifiera pas le destin du projet. Suite à cette décision, le maire Julian Gold a exprimé un profond regret quant à l'abandon du projet, soulignant la nécessité de trouver d'autres sources de revenus pour combler le vide financier laissé par l'Hôtel Cheval Blanc.
"That revenue will have to be replaced from other sources. We cannot afford to lose the next Cheval Blanc." - Julian Gold, Mayor of Beverly Hills.
Illustration du média « The Real Deal », spécialisé en immobilier, à la suite de l’annonce du verdict.
Une histoire riche en enseignements
L'étude de cas de l'Hôtel Cheval Blanc Beverly Hills met en lumière les défis dans le domaine complexe du développement hôtelier. LVMH a consolidé plus de 50 000 mètres carrés pour son projet, grâce à des acquisitions stratégiques et une vision entrepreneuriale, le groupe a convaincu successivement la commission d’aménagement ainsi que le conseil municipal de Beverly Hills après plusieurs années d’ajustements du projet. Il ne semblait alors plus y avoir de freins au lancement de la construction de l’hôtel. C’était évidemment sans compter la voie démocratique des résidents.
Cette histoire souligne l'importance de l'engagement communautaire, de la prise en compte de l’environnement extérieur et de la compréhension des besoins des résidents. Ainsi, l'exemple de l'hôtel Cheval Blanc Beverly Hills nous rappelle que même les plus grandes capitalisations boursières mondiales ne sont pas exemptées de soigner l’intégration de leur projet aux enjeux locaux.
Ce n’est pas la première fois que les pouvoirs publics forcent la main du géant du luxe français. En effet, en 2020, alors que le groupe souhaitait s’emparer de l’américain Tiffany & Co, le Quai d’Orsay avait demandé l’arrêt immédiat de cette opération. LVMH était devenu une victime collatérale de la bataille américano-européenne sur les droits de douane. Cette fois-ci, la transaction a finalement bien eu lieu, avec quelques années de retard.
Devanture d’un magasin Tiffany & Co